mercredi 3 février 2010

Les traders virtuels préfèrent la microseconde


Tout récemment, Thomson Reuters a crée le service d'informations NewsScope Direct diffusant des données économiques et financières toutes les microsecondes à destination des traders algorithmiques (high frequency traders) des bourses de Chicago et de Londres. Une microseconde = un millionème de seconde. Un instant plus que négligeable pour nous, pauvres humains, une vie entière pour ces opérateurs de marché Intel inside.



Selon le magazine financier Agefi :


« Basé sur des modélisations mathématiques des marchés financiers, le trading algorithmique automatise le placement des ordres, tout en respectant des stratégies d’investissement bien arrêtées. »


« Très développé chez les arbitragistes (hedge funds et comptes propres de banques), consiste à jouer sur les inefficiences des marchés que la volatilité a démultipliées ces derniers mois. Dans un cas simple, le gérant achète une grande quantité de titres (plutôt liquides de type « blue chips ») sur une plate-forme pour les revendre presque instantanément sur une autre où le prix était supérieur, en toute transparence « pre-trade » : le premier cours va monter et le deuxième baisser, rendant les marchés plus efficients (d’autres arbitrages porteront par exemple sur deux valeurs différentes mais corrélées). A ce jeu où deux algorithmes équivalents vont détecter l’incohérence, c’est l’exécution la plus rapide qui l’emporte. D’où une course à la « milliseconde », qui se traduit par un rapprochement géographique entre plates-formes, intermédiaires et arbitragistes. Pour raccourcir encore la période de latence, les plates-formes proposent même désormais dans leurs locaux des postes en colocation à destination des autres intervenants : bientôt 300 installés chez Nyse Euronext grâce au déménagement informatique dans le sud-est de l’Angleterre. »


Selon le New York Times, le trading algorithmique (ou algotrading) qui ne portait que sur 30% des actions échangées à Wall Street en 2005, est passé à 61% en 2009. Consécutivement, une bonne part de la cacophonie rituelle des salles de marchés s'est peu à peu déplacée d'abord vers de silencieuses fermes de serveurs (server farms) à travers toute l'Amérique, puis dans des interfaces logicielles plus ou moins conviviales compensant la complexité intrèsèque des outils.

Les « algotraders » sont de loin plus rapides et plus efficaces que leurs pairs biologiquess qui, forcément, décrochent face à de tels rivaux... ou partenaires leur permettant de traiter dix fois plus d'ordres que manuellement. À titre d'exemple le système High Frequency Trading (HFT) de NYSE Euronext exécute des ordres à un rythme de 650 microsecondes tandis que celui de BATS Global Market plafonne à 250 microsecondes.

Un écart de 300 microsecondes faisant désormais une énorme différence entre gains et pertes, les fonds d'investissement se livrent à une concurrence acharnée par calculateurs et algorithmes interposés, seuls capables de réagir aux informations écofinancières avant qu'elles ne produisent leurs tous premiers effets sur les marchés. D'où l'immense intérêt de NewsScope Direct pour ces traders 100% techno. Nul doute que ce service et d'autres émules seront progressivement étendus à toutes les places financières.


Score intermédiaire : 2-0 pour les machines. Dégagez, sales humains ! Entretemps, la course-poursuite technologique a déjà commencé.


Basé à Setauket (État de New York), le fond d'investissement Renaissance Technologies s'est doté d'une puissance de calcul égale à celle du laboratoire scientifique de Lawrence Livermore (Californie) spécialisé dans l'expérimentation d'armes nucléaires, la fusion magnétique, l'énergétique, la biologie et les sciences environnementales.

Le datacenter de 120 000 m2 construit par NYSE Euronext à Mahwah (New Jersey) entrera en service au printemps 2010. Il analysera et modélisera l'ensemble des places financières mondiales à une vitesse moyenne de 40 Go/s et diffusera plus d'un million de messages par seconde vers ces dernières. Ici, la plus grande difficulté technique réside non pas dans la vitesse de traitement des données mais dans l'acheminement d'une telle masse d'informations via l'internet et divers réseaux numériques propriétaires déjà quotidiennement inondés.



Aux États-Unis, les algotraders suscitent de sérieuses controverses. De nombreuses critiques les accusent de manipuler les marchés financiers, d'être une concurrence déloyale pour les traders et les boursicoteurs humains, et de semer les graines d'un krach financier. Le Securities and Exchange Commission, gendarme boursier américain, a récemment procédé à l'interdiction du flash trading (ou flash order) qui « s’apparente au délit d’initié dans la mesure où les Direct Edge, CBOE puis Bats et Nasdaq OMX offraient à certains clients, dans un lieu électronique différent de la plate-forme d’échanges et pendant un temps très court de quelques dizaines de millisecondes, un aperçu privilégié sur le carnet d’ordres. Très critiqué pour son iniquité, ce service a été interrompu par les deux dernières fin août, puis interdit par le régulateur américain le 17 septembre » (cf. Agefi).


Pour ma part, je perçois ces super-traders virtuels comme des accélérateurs ou des démultiplicateurs potentiels de sensibilité aux conditions initiales. Auriez-vous donc oublié ce cher Edward Lorenz et ses fameux attracteurs étranges ? Ainsi, du fait de la puissance computationnelle constamment augmentée et de la sophistication perpétuelle des algotraders, outils simultanément et massivement utilisés par un nombre croissant de fonds d'investissement, d'infimes variations de prix se transformeraient ultra-rapidement en grosses pierres qui roulent sur les marchés, réunissant d'autant plus vite les conditions propices au krach financier.


En bref, ces traders techno doperaient-ils l'effet papillon à une vitesse proprement électronique ? Pour peu que ces outils se généralisent au sein des fonds d'investissement et de la bancassurance, quelles incidences auront les « micro ou macro-décisions » humaines dans un système financier mondial où les machines prennent les initiatives premières et sont au coeur des transactions consécutives ?


Pour les vétérans de la finance, le krach de 1987 est encore dans les mémoires : en une seule journée, le Dow Jones plongea de 22%. Les coupables : des systèmes de gestion de portefeuilles - lointains ancêtres de nos algotraders actuels – programmés pour vendre automatiquement des actions dès que leurs prix passent en-dessous d'un niveau plancher.


Or, si notre imperfection typiquement humaine - en matières de calcul, de modélisation et de décision - contribue en partie à éviter des krachs à répétition, elle constitue également un facteur aggravant. En effet, sur les marchés financiers, il vaut largement mieux se tromper comme tout le monde plutôt qu'en solitaire. Et quand tout va mal, les traders se fient plus souvent aux décisions de leurs collègues qu'à leur libre arbitre. Vive le facteur humain ! Dans de telles circonstances, les imperfections du marché seront-elles amplifiées par ces super-traders virtuels à des échelles encore inconcevables aujourd'hui ?


Verra-t-on bientôt des algotraders pré-modélisant - en arrière-plan de l'activité des marchés - les comportements de leurs pairs virtuels qui, à leur tour devront réajuster leurs tirs ? Les places financières n'en sont plus à une complexité près... à l'image des CDO (collateralized debt obligations) ou des CDO de CDO de CDO, produits dérivés de multiples dérivés de dérivés qui envahirent les marchés financiers (cf. Krach flow) durant les années 2000, explosèrent tels des cocktails molotov à la figure des fonds d'investissement et de la bancassurance en 2007-2008 et entraînèrent les subprimes déjà très mal en point dans leur descente aux enfers.

Dans quelques décénnies, le Grand Livre des Données nous dira certainement si le recours massif aux algotraders a provoqué ou non beaucoup plus de krachs que par le passé... et à quel prix l'économie réelle l'a payé.


1 commentaire:

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